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sabato 16 marzo 2013

Quelle est la démarche et le processus de création artistique? Pourquoi crée-t-on?

Texte de l'intervention que j'ai tenu à la Fondation Carzou de Manosque (France), vendredi 15 Mars 2013

La traduction en italien sera l'objet d'un nouveau post. 



Depuis les premiers jours que l'homme a fait son apparition sur terre, après un premier moment d’étonnamment face au réel, il s'est littéralement construit en tant qu'homme, toujours en faisant quelques choses.
Affiche/flyer d'invitation 
D'abord, c'était question de survie et, comme les animaux, il a construit ses abris et il a perfectionné ses tactiques des chasse, après il a appris à se faire des outils et, ensuite, il a pris le goût de créer des choses qui ne sont pas en rapport direct avec son survie, c'est-à-dire des choses "inutiles" qui lui rappellent sans arrêt la tension qui le pousse à se reconnaître en tant que appartenant au domaine des animaux esthétiques, c'est-à-dire à ceux qui font quelque chose pour le plaisir des sens et de l'esprit.
Dès que cela se produit, dès que l'homme fait quelque chose sans en savoir clairement le pourquoi, mais pourtant il averti presque une obligation à la faire, l'homme devient un créateur et non plus un simple faiseur.
Est-ce que les animaux sont des faiseurs ou bien des artistes?
Eux aussi ils se font des outils élémentaires et, avec leurs corps et leurs œuvres, ils semblent rivaliser en beauté avec la main de l'homme!
Mais est-ce que les animaux ont le sentiment de création?
Mettez un chien devant un tableau, on aura tout de suite la réponse.
Le chien regardera l'image, il la humera et il la marquera en tant que sienne. Après il l’abandonnera à cause de son inutilité pour lui.
Par contre, l'homme y reste, il la regard, il la touche, il y voit quelque chose, cela lui parle, il se voit en elle, l'idée cachée derrière la ligne et la couleur c'est un miroir pour lui, il entend sa voix comme humaine, c'est le chant des sirènes à lui.
Mais pourquoi l'artiste a crée ce tableau? Pourquoi a-t-il donné sa trace d'existence conduite par le moyen de l'art? Pourquoi a-t-il chargé cet objet en tant que son porte-parole?
On essayera de donner des pistes d'interprétation sur le pourquoi l'homme est hanté par cette volonté de faire et de création qui, dans un premier regard, ne lui sont pas nécessaires: il pourrait de même mener sa vie tout en ne créent pas des choses "inutiles", il pourrait bien s’arrêter à faire pour survivre, il pourrait bien laisser couler le temps qui lui est donné, en profitant au mieux.
Que ce soit un simple acte du quotidien, comme valider son billet du métro, ou bien une création plus intime, comme remplir d'écriture une feuille blanche, l'homme est condamné à faire pour être quelque chose.
Au-delà du simple acte qui nous garantie la survie, l'homme a toujours averti le besoin de faire, en modifiant, ainsi, le monde qu'il habite et en modifiant soi-même, avec les outils dont il dispose, c'est-à-dire la raison et le corps.
Faire est le moyen le plus matériel dont on dispose pour se sentir vivant, faire est modifier le monde en lui donnant ainsi notre propre sens.
Mais d'où vient ce besoin de faire pour se sentir vivant? On l'a dit, nous pourrions bien nous contenter de remplir notre vie, en utilisant, et pas en modifiant, le réel, cependant on trouvera nulle-part quelqu'un qui mène sa vie sans modifier quelque chose, sans faire quelque chose.
Même ceux qui nous semblent se laisser vivre sans la moindre action de leur part, font le monde, il se font un leur propre monde à eux, où la paresse est loi, leur loi et leur sens.
On essayera de suivre l’évolution de l'enfant faiseur jusqu'à le voir homme qui fait, pour, ensuite, découvrir comme, de cet homme faiseur, naît l'artiste-créateur.
On est obligé à faire pour être, on l'a dit, mais depuis quand avons-nous cet obligation?
Cela se produit depuis la plus grande rupture qui jamais nous sois arrivée, c'est-à-dire celle qui représente notre naissance.
On pourra entendre notre naissance comme "un choc" du à notre ouverture au monde. Après avoir vécu des mois dans le ventre de notre mère, lieu étranger à nos catégories rationnelles, d'espace et de temps, dont on n'a pas ni souvenir, ni les moyens pour en avoir, nous voici dans le monde du temps qui coule et dans le monde de l'espace à habiter. Mais, peut-on retenir l'expression de "choc" pour un événement si beau que la naissance? Si on songe à cela, en partageant un hypothétique avis d'un enfant, on pourra s'appuyer sur les célèbres vers de Giacomo Leopardi, poète italien du romantisme qui, dans son pessimisme existentiel, remarquait comme l'enfant qui naît

"prova pena e tormento, per prima cosa1",

c'est-à-dire que, au début de son existence, l'enfant preuve de la peine et du tourment.

Comment peut-on le nier, vu que c'est notre pleur de peur qui marque le début de notre existence sensible.
Et, de plus, comment peut-on être à l'aise depuis la sortie du ventre de notre mère.
On a quitté le monde du rêve, on a laissé à jamais le chaud primordial. Depuis notre apparition sur terre, on a froid, on est obligé à respirer tous seuls pour survivre,
nous découvrons notre corps nu, tandis que les autres sont tous habillés ou bien, ils sont tous revêtus d'une blouse médicale.
La naissance peut bien, alors, représenter une sorte d'apocalypse de l'inactivité du fœtus et, par cela, une renaissance a une nouvelle vie, celle active.
L'embryon du vivant a pris, finalement, possession de son corps, cet être a été soustrait au monde sans lumière, il a été réveillé du sommeil de l'inactivité, il a été soustrait à la placenta qui l'a nourrit pendant un doux naufrage qui a pris le temps de neuf mois.
Quand on vient de naître, on pleure parce que, dès lors, on est seuls face au monde. On doit faire sans arrêt, on doit être sans arrêt: notre singulier voyage commence.
Depuis les premiers mois de notre vie, notre place est, d'abord, celle d'être encore une fois passifs, nous rassemblons à des boites à remplir sans jamais en être plains.

Songeons aux yeux des enfants, ils sont d'une couleur changeante, ils sont grands et ils rassemblent à des éponges prêts à se tremper de tout ce que leur arrive.
Petit à petit, on s’aperçoit des limites de ce rôle passif face à l’extérieur, la conscience d'être réclame son propre poste dans le flux du vivant, on veut posséder le vivant pour nous sentir vivants.
Petit à petit, la conscience s'enrichie de la volonté de prendre place dans le flux et,
de la volonté de laisser une petite trace de notre être,
naît la volonté de faire,
c'est-à-dire de participer au réel à travers sa modification.
On peut penser à la volonté de faire, naissante de la volonté de s'approprier de ce que nous passe à travers, naissante de la volonté de participer à ce flux vital des choses qui changent sans cesse, pour ainsi en retenir une partie à marquer avec le souvenir de notre passage sur terre.
De la phase de l'observation passive de l’existant, on passe à celle de la connaissance active de soi et du monde.
Dans un premier temps, cela prend la forme d'une volonté de se nourrir du monde, tout ce que on voit, tout ce que on touche et tout ce que on entend,
on veut le porter à la bouche, le mâcher, l'avale, le digérer.
On veux connaître, prouver, expérimenté et on veut engloutir le monde,
en lui faisant passer un moment en nous, pour ensuite le voir transformé en quelque chose qui contient notre trace.
On pourrait entendre le geste de l'enfant qui mange, dans une volonté de s'approprier du réel, il veut refaire le réel à son image et à son gré.
Dès lors, le geste faiseur s'impose en tant que réponse active au choc de la naissance et on gardera cette volonté et cet obligation de faire pour être, jusqu'à la fin de nos jours.
On pourra bien entendre la mort, alors, comme absence de volonté, dans la mort, on n'est plus rien, la conscience est muette, on s'est finalement approprié du monde, nous sommes monde, en retournant à faire partie de ce dernier.

Mais, comment passe-t-on de l’expérience de quelque chose à la création de quelque chose de nouveau et de jamais vue?

Comment arrive-t-on à la création et, notamment, à celle artistique?

Or, on pourra décliner de plusieurs façons l'acte de faire. La respiration est un "faire", comme aussi l'est celui d'aller acheter du pain.
Débarassons-nous de la notion de faire pour survivre et allons vers la notion de "faire quelque chose d'inutile à notre existence", un objet, par exemple.
Même dans ce dernier cas, il faudra poser une distinction entre les objets qu'on crée, pour mieux viser notre but,
c'est-à-dire celui de proposer de pistes d'interprétation, au sujet du pourquoi on crée des objets inutiles qui, ensuite, on appelle de l'art.
Un ouvrier crée ses objets avec ses propres mains.
D'après cela, est-ce que il fait de l'art?
On dirait oui,
il est conscient de faire, il fait dans le monde, il fait à travers le monde, il rend la matière vivante et, finalement, il crée.
Et pourtant, il n'est pas tout seul dans ce processus de création: il emploie une technique étrangère à lui-même, il s'aide de machines, il n'a pas conçu le projet de l’œuvre, il fait sans connaître la raison de ce qu'il fait,
il ne travaille pour l'objet, il travaille pour la notion de travaille,
il compte les minutes, les seconds qui les séparent de son retour à la maison.
Il ne se voit pas dans l'objet, ce qu'il fait ne lui appartient pas.
L’œuvre pour être "la mienne" doit contenir en elle une empreinte de moi, elle doit avoir reçu toutes mes soins, elle doit, au final, m'appartenir,
je doit être mon œuvre!
L'objet industriel ne correspond du tout à ce que je cherche, l'ouvrier le travaille en utilisant des gants, il ne le signe pas, l'ouvrier produit des exemplaires qui se reproduisent tous égaux, tous sans âme: il crée des avortements d'objet.
On cherche un objet qui puisse avoir en lui sa raison d'être, qui puisse me faire sentir vivant en le regardant, qui puisse me parler des étroits chemins de l'homme vers l'appropriation de soi même. Je cherche un objet parlant.
Cela peut bien être le cas d'une forme supérieure du faire, on parle de l'artisanat.
A bien voir le produit artisanal contient en soi la voix de son auteur et, de plus, le mot artisanat contient, en lui, le mot art.

Au Moyen Age, le mot artiste, du latin "ars", c'est-à-dire technique, indiquait un bon artisan , un "artifex", un "faire avec technique", quelqu'un qui fait, mieux d'un autre, quelque chose qu'a une utilité pratique, quelque chose qui nous rend plus à l'aise dans notre quotidien.
À ce moment, il n'y avait pas une grosse différence entre le mot artiste et artisan, touts les deux exprimaient un savoir-faire.
Pendant la Renaissance, les deux mots prendront des chemins différents.
L'artisan, dorénavant, sera celui qui fait quelque chose de beau et d'utile,
l'artiste sera celui qui fait le beau inutile.
C'est exactement la notion d'utilité de l'objet fait par l'artisan qui compromet l'attribution du verbe créer à ce que sort de mains de l'artisan.

Un objet d'art n'est jamais utile, il n'a pas de but bien défini, il ne sert pas à quelque chose, l'art nous rend la vie plus difficile, il nous oblige à réfléchir, à penser, il nous rajoute des pensées, il nous fait passé du temps à chercher des réponses.
L'objet artisanal est beau, c'est vrai, mais il a pour but celui de nous rendre mois compliqué la vie matérielle, l'art, au contraire, a pour but celui de nous donner des pistes, des sensations, des impressions à travailler avec nous-même, l'art nous fait perdre du temps, au lieu de nous le faire gagner.
Et puis, l'objet d'artisan est fait pour être vendu, l'objet d'art non, il peut être acheté, c'est vrai, mais on sait même pas pourquoi on l’achète, il nous plaît, ou plutôt, il nous offre un appel d'humanité auquel on ne sait pas renoncer.
À bien voir, on cherche un type de faire plus intime, un faire qui crée un objet qui nous rassemble, un objet avec qui établir un rapport d'existence,
notre vie doit dépendre de lui et sa vie de la notre.
Cet objet qu'on cherche doit sortir d'un esprit créateur, cet objet doit être la projection dans ce monde de sa seconde sortie, depuis la première, c'est-à-dire, celle du ventre de notre mère.
On cherche un objet qui nous attire par sa proximité à notre âme, un produit inutile, mais que pourtant on veux avoir,
je peux vouloir des tasses à cafés artisanales plus ou mois belles et utiles et, faute d'argent, je peux me contenter d'avoir celle-ci ou celle-là.
Mais l'objet qu'on cherche est unique, je veux celui-là et pas d'autre, il n'y a que lui qui parle ma langue, les autres murmurent des idiomes que je ne comprends que peu et mal.
Toute à l'heure, on a utilisé cette expression: "esprit créateur" au lieu de "faiseur", terme qu'on a utilisé jusqu'à présent.
Il faut fournir une clarification à l'égard de ces deux verbes, faire et créer.
Essayez de trouver des synonymes pour le verbe faire,
je peux employer les verbes utiliser, produire, fabriquer, organiser, forger, etc.
Ceux-ci sont tous verbes qui renvoient à l'exploitation de quelque chose qui existe déjà dans la nature, qui nous est déjà donné, prête pour être modifiée.
Par contre, le verbe créer nous demande un effort supplémentaire.

Ça veut dire quoi créer?

Ses synonymes peuvent bien être concevoir, imaginer,
tous des verbes qui nous renvoient à la dimension de l'imaginaire, du rêve, d'une condition sans temps et sans matière, dans la création c'est lui, désormais on peut l'appeler artiste, qui crée le temps de son objet, pensez aux création éphémère, celles qui n'existent qu'on moment comme la performance, ou à celles qui sont destiné à perdurer dans les siècles, l'artiste peut décider le temps de vie de l'objet et, de plus, il peut aussi décider la matière à utiliser pour la création, je crée d'abord, dans un premier temps, dans mon esprit et puis je décide de revenir dans le monde matériel, de renaître en utilisant ses moyens.

On peut considérer l'artiste comme un Dieu créateur?

Effectivement, en essayent d'élucider le mot création, c'est sa signification théologique qu'il faut mettre en avance.
En religion, on appelle créateur celui qui tire ex nihilo, c'est-à-dire du néant, quelque chose de jamais vu auparavant, quelque chose de différente de la nature qui l'entoure et qui ne trouve sa raison d'apparition que dans le créateur même, dans son vécu, dans sa pensée, dans son façon d'entendre le monde,
dans un mot, dans sa conscience d'être ici et maintenant, c'est-à-dire influencée par le lieu et par le temps.
Voici le pourquoi ils n'existent pas des ouvres sans temps, des "evergreen". Je sais que je vais toucher un tabou, mais la Joconde, en tant que objet d'art, ne parle plus comme elle parlait à un spectateur de son époque, elle nous parle aujourd'hui, mais elle emploie un vocabulaire actuel, notre vocabulaire.
Peut-être que le but de Dali, qui lui a rajouté des moustaches, était celui de lui faire utiliser des nouveaux mots, ceux du surréalisme.

Mais pourquoi, pendant son passage dans ce monde, l'artiste a le besoin de créer, en entendant la création comme une ré-naissance, une seconde sortie, après le faire-sortie du ventre du notre mère?

D'où vient-elle cette volonté de devenir géniteur/créateur d'un objet auquel l'artiste confie son interprétation du réel?

Pourquoi créer un objet-projection qui a sa propre place dans le monde et qui l'artiste pourrait bien appeler "son enfant à lui", sorte de foetus explosé que, dès lors, a une vie indépendante de lui, mais qui pourtant il le tient attaché d'un attachement similaire à celui d'une maman qui sait son enfant perdu quelque part dans le monde.
Pour arriver à ça, il faudra, d'abord, éclairer d'où vient cette création.
Toute création dérive de l’expérience de l'existence, soit-elle exploitée par moyen du corps et soit-elle exploité par moyen de la raison.
C'est la philosophie qui nous apprend que c'est à travers le corps et la raison qu'on fait l'expérience de ce monde.
On a la perception de l’extérieur par notre corps et on cherche d'organiser les sensations qui cela nous apport à travers notre cerveau, en faisant de notre mieux, c'est-à-dire en poussant aux extrêmes nos limites humains.
Une fois sur terre, nous sommes littéralement bombardé de sensations provenant de ce que on peut toucher, de ce que on peut voir, de ce que on peut manger etc.
Vivre est donc se sentir vivants par moyen de ce que nous entoure et qui nous stimule sans arrêt.
En tant que vivant, on est obligé tout le temps à sentir et penser à quelque chose, même pendant nos moments de relax et nos exercices de méditation, on ne perd jamais le rapport avec l'autre, nous-même dans ces derniers cas avec nos pensées rythmés par le battement de notre cœur.
Donc, toute création est influencée par le vécu et la sensation, mais pourquoi ne pas se limiter à accepter le flux des sensations? Pourquoi cette volonté de réagir par moyen de la création?
Il y a une chose que chaque homme, depuis quelques mois après sa naissance jusqu'au derniers moments de sa vie, ne perd jamais.
C'est la volonté qui naît de l'affirmation de soi dans le temps et dans l'espace.
Et l'artiste, créateur des objets inutiles, n'échappe pas à cela,
de plus, il charge l'affirmation de soi avec une empreinte plus profonde du faire pour l'argent ou du faire pour survivre.
Il affirme soi-même en créant quelque chose qui a sa place dans le monde et qui puisse parler de lui pour l'éternité ou pour un moment.
L'artiste s’aperçoit d'avoir quelque chose à dire à ce monde, il considère son expérience du monde digne d'être communiqué aux autres. Pour ce faire, il crée son enfant, il crée son porte-parole auquel il confie son message existentiel.
La création est, beaucoup plus du faire, une affirmation de soi. D'un soi qui n'est rien, et que pour se faire quelque choses, doit créer en se créant, en cherchant d'être quelque chose en rassemblant à ce qu'il fait.
L'artiste a besoin de voir ce qu'il crée, de lire sur papier ses poème, de toucher ses sculptures, il ne se contente pas de vivre dans la rêverie de l'imagination, il doit projeter soi-même dans le monde du réel.

Et cette projection de lui prend la forme d'un objet extérieure qui a sa propre place dans le monde, en raison du fait qu'il est donné à l'autre.
L'artiste crée et offre sa création sans rien demander en échange, ceux qui reçoivent un objet d'art, ou l’achètent, ne seront jamais les propriétaires de l'objet, mais des locataires de la vie de l'artiste.
L'artiste crée et offre sa création naissante de son intérieur, le plus intime, au fin de l’insérer dans le grand flux de la vie de l'homme.

Tout à l'heure, on a évoqué la création d'un enfant, en la entendant comme volonté de s'emparer du monde extérieur.
Voici une différence essentielle entre le faire de l'enfant-homme et la création de l'artiste, l'enfant-homme fait pour plaire ou déplaire à ses parents,
l'artiste crée pour partager soi-même, il se décompose en atomes et il se donne au monde.
L'artiste sent sans arrêt le poids du monde sur ses épaules, il aime la douleur d'être, il aime être assommé par l'autre, il ne existerait pas sans l'autre.
Ici, ce n'est pas question d'en vouloir aux artistes qui se cachent du monde ou qui ne partagent pas leurs œuvres, même ceux qui se cachent du monde, ils se cachent dans le monde!
Ceux qui renferment leurs poèmes dans un tiroir, ils le font dans l'attente de les montrer aux autres, ceux qui se retirèrent du monde pour créer, il ne le font pas pour nier l'autre, il se cachent à l'abri de l'autre pour mieux le comprendre, c'est plutôt un acte d'amour que d'haine.

Pourquoi l'artiste recherche sans arrêt l'autre, pourquoi il a le cauchemar de ne plus être reconnu?

Cela on pourra l'expliquer grâce au plus puissant désir qui abri l'homme et qui est un couple avec la volonté de s'affirmer: celui d'être reconnu par son proche, par l'autre, comme nous a bien expliqué Rousseau, le solitaire, le fou et le paranoïaque pour amour de l'autre.

La création, l'art, est surtout relation, c'est la forme primordiale de communication de l'homme. L'artiste crée pour les autres, il met tout son être à la lumière du jour, il est nu et animé par une volonté de partage, par une volonté d'aboutir à un chemin commun avec l'autre,
l'art, et l'artiste par ce moyen, est comme une main tendue qui nous dit tout simplement: "suis-moi, dis-moi, comprends-moi, touche-moi".

Ces doivent avoir été, peut-être, les mots qui ont animé l'esprit de Carzou, qui, en se mettant en pleine lumière, nous a laissé une trace, à travers ce message sur l'apocalypse, étape nécessaire à l'avènement du Paradis laïque, d'une nouvelle renaissance, d'une nouvelle ère marquée par le souvenir de ce que a été l'homme-bête.

Carzou nous a donné cela en employant ses mains.

Les mains, outil de manipulation du monde, sont l’organe qui nous permets d'avertir la forme des choses, leurs qualités de surface, mais aussi est celui qui nous permet de modifier la réalité de l’extérieur, en suivant l'image qui vient de notre intérieur.

Le sculpteur Michel-Ange parlait en ces termes de la sculpture:

"Tu vedi un blocco,
pensa all'immagine:
l'immagine è dentro basta soltanto spogliarla."

C'est-à-dire:

"Tu vois un bloc,
tu penses à l'image:
l'image est dedans, il ne suffit que de la libérer"

Cette libération se traduit chez le sculpteur comme une seconde sortie de lui même, quand il crée, c'est son enfant-projection qui naît du bloc.

L'artiste-sculpteur transforme la matière naturelle à fur et mesure de sa gestation dans le monde.
On peut songer à l'objet crée par la sculpture comme un objet-moyen d'appropriation du réel, un peu comme les hommes primitifs faisaient,
vu qu'ils créaient des petites statues et des graffiti pour s'emparer des âmes des animaux qu'ils allaient chasser et pour se sentir protégés face à un monde dont il ne connaissaient pas les secrètes raisons.
La sculpture est plus forte qu'une image, un objet sculpté rassemble au réel, il a trois dimensions, il a un corps, il est présent, il pourra bien s'animer, il ne lui manque que l'âme ou bien la voix, mais pourtant on écoute sa voix, notre voix.

Et la voix, le mot, le langage,
sont les moyens pour nommer, pour appeler quelque chose.
L'homme faiseur utilise les mots, il ne les possède pas. Parfois il est possédé par les mots, il parle sans rien dire,
mais l'artiste non, l'artiste à chaque fois il crée ses propres mots, ils invente des mots, il les fais sortir de son âme, de son ventre, il fait renaître les paroles, il lui confie un sens nouveau que c'est le sien.
En parlant de quelque chose, l'artiste lui donne la vie, il la reconnaît en tant que vivante, en tant que messagère de soi. Il la fait chanter, il la raconte.
Chaque poète est à la fois un auteur et un conteur, il crée des mots, il les tire du plus profond de son âme et ils les fait apparaître.
La poésie est notamment le chant de l'être, la traduction immédiate de sensations humaines en mots, en voix, moyens éphémères qui nous parlent de notre expérience sur terre.
Photo Fondation Carzou
Et alors, grâce à l'homme créateur, grâce au partage de son existence qui nous fait,
qu'il soit sculpteur, poète ou musicien, en regardant leur créations nous nous regardons au miroir, nous aussi nous renaissons avec eux, nous créons, par ce moyen, un dialogue, celui entre notre conscience e nous même.
L'art nous met on crise, il nous fait devenir critique de nous même, c'est celui-ci le miracle de la création laïque, c'est celui-ci le but de l'objet crée. Et alors, après être devenus critiques de nous même, il ne nous reste que aller vers l'autre en lui disant "suis-moi, dis-moi, comprends-moi, touche-moi".

Marco Caccavo
15/03/2013
Manosque/France 

1Giacomo Leopardi, Canto notturno di un pastore errante dell'Asia", vv. 39-41

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